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Dub Camp DREAD Interview

Petit entretien avec Philippe Papayatik pour le livret du programme du DUB CAMP, festival qui se poursuit du côté de Nantes tout le week-end ! Son lourd et ambiance légère garantis ! La conférence "Portraits de Jamaïque" s'est déroulée dans un super esprit...

Salut Thibault; Peux tu te présenter un peu pour les festivaliers qui ne te connaîtrait pas (il en reste encore ...) ? Bonjour, je suis le directeur de DREAD Editions, une maison d'édition indépendante spécialisée dans les ouvrages traitant de la Jamaïque. Mais avant cela, j'ai fondé et dirigé le magazine professionnel NATTY DREAD de 2000 à 2010. J'ai donc eu l'opportunité de voyager beaucoup sur place, de rencontrer des centaines d'acteurs de cette musique et de cette société, ce qui me permet aujourd'hui de pouvoir partager mon expérience à travers des expositions photographiques ou des conférences comme celle que je donnerai au Dub Camp cet été. Tu connais très bien la Jamaïque pour y avoir séjourné plusieurs fois. Beaucoup d’observateurs extérieurs mettent en avant une société qui se déchire entre violence quotidienne et espoir d'amélioration des conditions de vie ... Quelle est ta propre vision du pays ? La Jamaïque c'est un peu comme une ville-frontière aux USA au 19e siècle, on marche sans cesse sur la corde raide, entre flou légal, liberté sauvage, danger permanent. Le meilleur comme le pire peuvent surgir à tout instant, dans une grande célébration païenne de la vie et de la mort. Cela a quelque chose d'extrêmement angoissant mais aussi de terriblement exaltant. Les gens, poussés parfois par la nécessité, font des choix radicaux sans se soucier des conséquences. On y vit un peu comme on vivait par chez nous il y a quelques siècles, sans filet. C'est aussi une société qui peut se faire étouffante et mesquine. Mais il existe aussi cette Jamaïque souriante, chaleureuse, débordante de vie et d'envie. C'est celle que je croise le plus souvent sur place.

Sur le plan musical, on a vu s'installer dans un passé récent une soirée Dub Club. Comme si l'histoire s'inversait et que c'était maintenant la Jamaïque qui s'inspirait de ce qui se fait en Europe. Peux-tu nous en dire plus sur la diffusion actuelle du Reggae ? Comment vibre-t-on Reggae Music à Kingston en 2018 ? Une partie de la Jamaïque a pris conscience de son héritage culturel et a décidé, enfin, de ne plus vivre uniquement au moment présent. Une nouvelle génération de décideurs capitalise dès lors sur d'anciens codes culturels, ce que faisaient les Européens depuis des années ! Mais ces codes, même s'ils ont évolué... ce sont les leurs, pas ceux des Européens (rires) ! On peut ajouter que certains jeunes ont compris que ce qu'ils font sur place (en musique, en littérature ou en peinture) peut intéresser ailleurs, que leur travail à une valeur intrinsèque. Pour en revenir au Dub Camp, tu es venu pour la première fois l'année dernière. Quel souvenir en gardes-tu ? Un excellent souvenir. J'ai particulièrement apprécié l'état d'esprit apaisé du festival et des festivaliers, cette ambiance à la fois lourde (au niveau sonore, j'entends) et presque bucolique. Il faut dire que le lieu lui-même s'y prête - j'ai particulièrement aimé mes tours du lac à vélo, sous l'oeil des chevaux alentour (rires). J'ai aussi été frappé par l'accueil des gens du coin qui trouvent que ce déferlement de jeunesse et de bruits a quelque chose non pas de dérangeant mais, au contraire, de revigorant !

Cette année, tu es attendu pour une conférence sur les personnages illustres de la Jamaïque. Peux-tu nous en dévoiler un peu le contenu ? Nous allons parler de quelques "grands hommes" de la Jamaïque dont les destins uniques permettent d'appréhender l'histoire de l'île d'une manière authentique et directe. Ryghing, le premier ennemi public N°1 de l'île, finalement abattu par la police, a inspiré le film the Harder They Come (1972) avec Jimmy Cliff. Mais sa propre épopée, romanesque au possible, est encore plus époustouflante que la fiction. Le sbad boys, en Jamaïque, ne datent pas des années 70 (rires) ! On parlera aussi de mysticisme avec Yabby You, l'un des producteurs les plus atypiques d'une musique pourtant riche en personnalités. J'ai eu la chance de beaucoup lui parler et de pouvoir en esquisser un portrait très pointu (et particulièrement hallucinant). Bien sûr, on parlera aussi un peu politique, sujet incontournable dans le reggae jamaïcain, avec la survol de la carrière d'Edward Seaga, grand instigateur (parmi d'autres) du système qui a mené la Jamaïque dans l'impasse où elle végète encore. S'il reste un peu de temps, on évoquera aussi l'histoire du première tueur en série de Jamaïque. Il vivait au 18e siècle et assassinait tous les gens (ou presque) qui passaient devant chez lui. Charmant, n'est-ce pas ? Tous ces portraits, illustrés par des morceaux choisis, sont tirés du livre Les Hommes illustres de Jamaïque (DREAD Editions). J'aimerais terminer cette interview par une question un peu plus personnelle. Pensais-tu, quand tu étais aux manettes du magazine Natty Dread, que la culture Reggae allait perdurer et qu'elle se développerait aussi fort ? Je ne sais pas si elle se développe si "fort" que cela. Je pense qu'elle ne parviendra jamais à franchir certaines barrières socio-culturelles pour s'imposer au niveau du Jazz, comme elle le mérite sans aucun doute. Du moins pas sous sa forme originelle. En revanche, elle semble emprunter aujourd'hui des voies détournées, biaisant un peu avec les codes établis pour se frayer un passage coûte que coûte vers nos enceintes. Le reggae, comme la vie, trouve toujours son chemin (rires) ! Et cela en grande partie par le fait d'une base de passionnés très déterminés et très actifs... à l'image de l'équipe du Dub Camp.

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