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Chronique des Hommes illustres… dans le Gleaner.

LES HOMMES ILLUSTRES DE LA JAMAIQUE, Un Art Unique du Portrait

par Glenville Ashby

Dès la salve d’ouverture,Les Hommes illustres de Jamaïque frémit, bouillonne puis explose. Embarquez-vous pour une chevauchée littéraire – un projet d’importance qui requiert le sens du détail, de la réflexion et un penchant littéraire. Et l’auteur, Thibault Ehrengardt, rassemble toutes ces qualités.

Il décrit des légendes jamaïcaines et des personnages historiques, dont les plus dépravés. Certaines de ces histoires relèvent de la complexité sociologique, d’autres sont autant de voyages dans la fabrique psychologique de l’esprit humain ; les dernières, enfin, se font l’écho d’âmes blessées en quête de rédemption. La religion et les forces spirituelles se font une et indivisible. Bienvenue dans un monde de visionnaires, de débrouillards mystiques et de gens avides de Dieu. Les relents vaudous nous parviennent tandis que les politiciens donnent sans remords dans le surnaturel. Edward Seaga, notamment, fasciné par le côté obscur, revient en Jamaïque pour s’immerger dans l’univers de l’obeah avant de se risquer dans une autre mare boueuse, celle de la politique. L’ombre de Papa Doc plane sur son portrait.

L'édition anglaise.

Les Dons et la brutalité des gangs qui exportent leur savoir-faire sont aussi croqués. Mais cela ne dure guère, car les gunmen se rendent vite compte qu’ils sont manipulés. A une époque où les politiciens courtisent ouvertement les barons de la drogue, la Jamaïque semble courir à sa perte. L’histoire de l’île repose depuis toujours sur le pillage, les actes de piraterie et les injustices sociales – des constantes à travers tous les âges. Les gens depuis toujours se lamentent, où se plongent dans la placidité religieuse, comme lors de la naissance du mouvement rastafarien, alors que le rapatriement est sur toutes les lèvres et dans tous les cœurs.

Oui, cet ouvrage passe la Jamaïque au prisme de la réalité nue. Chaque soubresaut du mouvement rasta est analysé – en particulier celui de Prince Emmanuel et des Bobos Ashantis. Et lorsque Ehrengardt met un point final, le lecteur a un excellent aperçu d’un mouvement unique qui fut pris en otage et gâché par les fallacieux préceptes de Leonard Howell, Claudius Henry et consorts.

Qu’est-ce qu’un Rasta ? On n’obtiendra aucune réponse définitive. L’ambivalence et les attaques acerbes dont souffrirent le mouvement sont ici résumées dans un ancien éditorial de Clinton Parchment : « La plupart sont des fainéants, des bâtards violents, sales et sans loi... Interdire leur secte et mettre un terme à leurs comportements, voilà ce que tout gouvernement qui prétend œuvrer au bien public, ne pourra se passer d’entreprendre.»

L’Opiniâtreté Jamaïcaine

Le livre décrit un esprit jamaïcain inflexible, et prompt à se manifester. Résister peut rimer avec intégrité. Ehrengardt détaille les réflexions philosophiques deMarcus Garvey, sa capacité à galvaniser les foules ainsi que sa déplorable chute. Mais tout cela était par trop évident ; ajoutez-y la figure paternelle et vous obtiendrez alors une histoire fascinante ! Un homme pugnace, froid et agressif, le père de Garvey lisait avec voracité – une habitude qu’il a transmise à son fils, sans l’ombre d’un doute.

Bien sûr, il est ici question de Bob Marley, de ce bon vieux boucanier devenu noble, Sir Henry Morgan ; dans le monde de Ehrengardt, même l’histoire du 17eme siècle s’avère vivante et excitante ; elle devrait d’ailleurs servir de jauge psychologique. Mais il y a bien plus. Dans Les Hommes illustres de Jamaïque on retrouve les exploits du premier tueur en série de l’île, Lewis Hutchinson ; ainsi que la trajectoire fulgurante de Vincent « Ryghin» Martin, dont la légende se perpétue encore de nos jours par le biais du film The Harder They Come.

Hauts en couleurs et original

L’ajout de ces indésirables donne de la couleur et de l’originalité à l’ouvrage deEhrengardt, particulièrement le portrait de Ryghin’, ce petit truand qui gagna le cœur des Jamaïcains en tenant tête

Ryghin, plus vrai que nature.

aux autorités, allant jusqu’à menacer de mort le Premier Ministre de l’époque, Alexander Bustamante. La fusillade du Carib Hotel, la panique, la tension et le suspens sont ici rendus avec une force étonnante. Les commentaires plus vrais que nature et la description pas à pas du parcours de Ryghin’ sont époustouflants ; ce portrait éclipse tous les autres.

Les Hommes illustres de Jamaïque ne se soucie guère d’éthique ou de morale, comme nous le savons. La renommée se définissant par un zèle de pragmatisme, une soif de survie ainsi que la capacité troublante à se jouer du sacré comme du profane à volonté.

En vérité, Sir Henry Morgan se retrouve dans bien de nos politiciens contemporains, de même que Ryghin’ dans bien de nos bad bwoys. Fait intéressant,Ehrengardt met le stoïque et intègre Vivian "Yabby You" Jackson au même plan que le très bankable Bob Marley. Un choix parlant. Ainsi il distribue ses personnages avec intelligence, envoyant un message clair. Même s’il dissimule ses penchants politiques personnels.

Ce qui est remarquable, c’est que le souffle ne retombe jamais. Ehrengardt, provocateur, en rajoute et dresse le fascinant portrait d’une société survoltée et complexe qui intimide, inquiète et fascine à la fois.

Classement : Essentiel.

(Traduit par DREAD Editions.)

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