U Roy, Jamaican legend. R.I.P.
U Roy à Waterhouse, Kingston, Ja. 1999. (DREAD Editions)
U Roy est mort. Qu’ajouter à ces quelques mots ? Qui portent en eux tellement d’étonnement et de violence ? Oui, les gens meurent. Qu’ils soient exceptionnels, médiocres ou méchants comme des teignes. Pourtant la mort nous frappe à chaque fois comme si nous ne nous y attendions pas, comme pour nous éveiller soudain au cri d’un deejay électrifiant les ondes : « Wake the town ! And tell the people... »
U Roy incarnait la force vitale à l’état pur, lui qui savait réveiller les cités en l’espace d’une seule onomatopée balancée au coin d’un riddim. Il y a eu des deejays avant lui, et des wagons après lui. Mais il restera LE deejay—Daddy U Roy. Aucun n’aura su capturer aussi bien que lui l’essence de ces soirées fiévreuses et enfumées de la fin des années 60 à Kingston, dans le crépuscule antillais, où les rude boys se mêlaient aux danseurs pour lorgner les filles et vibrer au son des derniers dubs de King Tubby.
« Yeah, yeah, yeah! » Et tout était dit.
Avec les gens, les époques s’éteignent. Fanées, envolées ces années glorieuses d’une musique conquérante, baignée de joie, d’angoisse et de douleurs. U Roy, père des deejays, s’en est allé. Et emporte avec lui une partie de la musique jamaïcaine, et de nous-mêmes. Restent les disques, grandioses, plein de ce souffle de vie, qui ne fait que passer de corps en corps, histoire de « réveiller les âmes » qui y sommeillent, de les faire vibrer et exister, hier comme aujourd’hui... Rasta convaincu depuis ses débuts, U Roy se proclamait «homme du vivant » et non de la mort. Mais il est des tributs que chacun se doit de payer à ce Dieu implacable qui « donne tout » et qui « reprend tout ». Ainsi soit-il, donc.
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