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Le chanteur des Mighty Diamonds tué par balles en Jamaïque.

Le vide abyssal de l'introduction est soudain traversé par un roulement de batterie sec, ramassé, qui nous fait rentrer la tête dans les épaules. On jurerait qu'on vient d'entendre un coup de feu ! Puis un autre, et encore un autre, dans le même silence... Des sons qui nous replongent au coeur de Maxfield Avenue, à Kingston, en 1975. Lorsque cette artère se transformait en "battlefield" (champ de bataille) des guerres babyloniennes orchestrées par les politiciens de l'île.


Il s'agit de l'intro d'un tire historique, qui marque la naissance d'un genre nouveau, le Rockers. Il s'appelle Right Time et les paroles apocalyptiques sont chantées par une voix d'ange, celle de Donald Tabby Shaw, lead vocal des Mighty Diamonds.




Dans la nuit de mardi dernier, après avoir dansé une partie de la soirée dans son quartier d'enfance, à St Andrew (Kingston), Tabby a à nouveau entendu des détonations, mais cette fois-ci elles étaient bien réelles. Il était 21 heures 45. Pris au milieu d'un drive-by shooting sur McKinley Crescent, le chanteur a été mortellement touché. Près de 50 ans après les avoir dénoncées à travers des titres emblématiques comme Why Me Black Brother Why, Tabby tombe victime de ces fameuses "guerres tribales" qui n'ont jamais cessé de proliférer. Dans une autre chanson magnifique, il chantait : jour après après, dans le Gleaner ou le Star, on apprend la mort d'un autre frère... Aujourd'hui, le Gleaner rapporte la mort d'un autre "frère", la sienne. Il avait 67 ans.


Le monde du reggae est choqué. Une fois de plus ? Une fois de trop ? Non. La ritournelle de sang, que nous dénonçons dans le livre Gangs de Jamaïque résonne sans cesse ni relâche. La Jamaïque perd son âme, jour après jour, scandale après scandale, meurtre après meurtre. Depuis l'Indépendance de 1962, les loups se sont jetés sur ce petit bout de terre oublié des dieux, où l'on trouve pourtant autant d'églises que d'armes à feu. Le reggae est sans doute la meilleure chose jamais sortie de l'île. Mais il aura échoué, lui aussi, à combattre cette furie assassine. En ce jour de dueil, un de plus, on rejoue Right Time ; et les roulements de batterie joués par Sly Dunbar résonnent dans le silence comme le glas d'une époque et de nos espoirs.


RIP, Tabby.


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