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Gunman anthems: les chants de complaisance...
En Jamaïque, le murs et les chansons racontent l'épopée secrète des parrains, morts ou vifs. Sélection politiquement incorrecte.
L’histoire des gangs, en Jamaïque, se raconte sur les murs pour qui sait la lire. Ce jour-là, avec les policiers de la Mobile Reserve, je tombe sur cet impressionnant mur d’immeuble à Spanish Town. Pas de doute, nous sommes dans le fief du gang One Order, comme en atteste le slogan en partie visible en bas, à moitié caché derrière un vieux frigo démonté : One God. One Aim... le reste, qu’il faut deviner, fait : One Order. Ce gang qui dispute l’hégémonie de Spanish Town au Klansman, est affilié au parti politique du Jamaican Labour Party (JLP). Là encore, c’est ce bout de mur qui nous le dit : avec le portrait à demi rongé mais encore bien reconnaissable de la figure historique du parti, Edward Seaga. Il est ici honoré à l’instar des « Dons » (ou parrains) qui apparaissent au-dessus avec leur seul prénom comme indication : Buba et Bun Man. Ce qui en dit long, au passage, sur les rapports entre gangs et politiciens sur l’île. Une différence, cependant : généralement, seuls les morts ont droit à leur portrait. C’est le cas de Bun Man, ancien « Don » du One Order, que l’on retrouve sur un morceau enregistré en son honneur et posté par un certain JBLACK184 sur Youtube en mai 2013 sous le titre de One Order Anthem : « Bun bun bun Man, Dieu sait que je suis triste que tu sois parti ! Le Don est mort / Bun Man tu sais, tu es le « General » (autre titre que se donnant les parrains jamaïcains), de la famille du One Order / Tu es le vrai vrai Don, Bun Man / Tu manques au One Order. »
One Order Anthem (Bun Man).
Encore une fois, les valeurs sont inversées et Bun Man est décrit comme « prêchant la droiture parmi nous ». Le chanteur invoque ensuite les alliés du gang : « Respect à Niney et Suita, ces jeunes qui contrôlent Gaza, Respect au boss qu’on appelle Plucka qui dirige tout le One Order. » Pendant que défile le titre, quelques photos de Bun Man défilent. Ces titres sont underground et ne passent pas à la radio ; ils ne sortent même pas de manière officielle mais sont des tubes dans les quartiers affidés. Dans la même veine, on trouve le titre Dudus A Hero (Dudus ce héros), un hommage au « Don » de T(ivoli) G(ardens), arrêté en 2010 par la police après une opération qui a couté la vie à 73 personnes. Postée par TGyoungfamous en 2010, elle est chantée par un certain Cutty Corn, qui adapte le Give A Little Love d’Aswad : « Respect à l’homme du quartier où je suis né, même si certains idiots ne savent rien / Même si Sélassié vient en premier, je dois tout de même saluer Dudus / C’est un Rastaman, qui ne plie pas et résiste / Respect au lion qui traverse la rivière. » Il invite ensuite tous ceux qui n'aiment pas les "Dons" historiques du quartier, Claudie Massop, Dudus et Jim Brown à aller "lécher leur mère."
Dudus A Hero
Tivoli Garden Anthem (sur le Redemption Song)
Comparé les « parrains » à des « Rastas » semble étonnant mais le Tivoli Gardens Anthem, posté en 2010, alors que la police s’apprète à lancer le raid contre Dudus, fait sienne la chanson Redemption Song de Bob Marley (!) pour clamer : « Tivoli est gouverné par Prezi (surnom de Dududs, ndr) / et bénit par le Seigneur Tout-Puissant, one love one unity et maximum respect à la « livity » (mode de vie) / Pink Lane and Denhma Town ont bloqué la ville, car ce ne sont pas des idiots / Java et Top Ten sont aux ordres, avec leurs armes prêtes / ne m’entends-tu pas dire, l’hymne des « truands », l’hymne de TG ! » Tout ce qu’aurons jamais eu les « Dons » ? Des chants de complaisance...
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