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Une carte "de Fer", datée de 1705.

L’Isle de la Jamaïque, par Nicolas de Fer (1705).

L'Isle de la Jamaïque (1705)

Cette carte magnifique intitulée « L’Isle (sic) de la Jamaïque, divisée par paroisses » fut publiée en 1705 dans l’Atlas Curieux du géographe Nicolas de Fer (1647 – 1720). Cet ouvrage, son plus célèbre, est devenu rare et recherché. Il s’arrache sur le marché spécialisé pour une petite fortune (un librairie spécialisé le propose en ce moment à la vente pour... 40 000 euros !). Cette carte nous intéresse pour sa grande beauté (surtout lorsqu’elle est, comme ici, relevée de coloris appliqués à la main) ainsi que pour sa rareté. On ne la croise en effet pratiquement jamais ; la Bibliothèque Nationale de France (BNF) en possède néanmoins une somptueuse copie (voir ci-dessous).

" Il y eut jusqu’à 22 paroisses en Jamaïque... "

Nicolas de Fer précise sur la carte qu’elle est « dressée sur des mémoires anglais » et qu’on peut sa le procurer « à Paris chez l’auteur dans l’Isle du Palais sur le Quai de l’Orloge (sic) à la sphère »—la Sphère Royale était l’enseigne de sa boutique, on la retrouve sur nombre de ses réalisations.

Copie de la BNF (dr)

L’île de la Jamaïque a ici une forme très aboutie. Mais quelques détails attirent notre attention. Tout d’abord, les paroisses « muettes », ou « unnamed » comme précise la carte (non nommée, en anglais). Ainsi celles de Westmoreland et Hannover, à l’ouest, n’existent pas encore ; St Elizabeth et Clarendon sont quant à elles encore séparées par une paroisse « sans nom » ; quant à celle de St Thomas, elle occupe la totalité de la pointe orientale de l’île, qu’elle finira par partager avec celle de Portland. Il existe aujourd’hui 14 paroisses en Jamaïque (Kingston et St Andrew étant rassemblées sous l’appellation de Corporate Area), on n’en trouve 14 ici, dont deux « sans nom » et d’autres comme St Georges ou St David qui ont disparu depuis. En fait, il y eut jusqu’à 22 paroisses en Jamaïque, avant que le nombre n’en soit définitivement fixé à 14 en 1867.

" Si notre « géographe du Roy » a bel et bien copié Blome,

ce n’est pas très grave..."

Curieux de ne pas trouver Kingston, sur cette carte ; après le tremblement de terre qui dévasta Port Royal en 1692, celle ville était pourtant devenue le port de la baie de Kingston... non, pardon. Elle s’appelait alors Cagway Bay—notre carte l’appelle « cagio ay harl. » (harl. pour harb., « harbour », baie). Plus étrange encore, elle signale Port Royal quasiment du côté de Bull Bay. On croise aussi de nombreuses incongruités de noms, probablement dues à des traductions approximatives de mots anglais. En fait d’être « dressée sur des mémoires anglais », cette carte est avant tout copiée assez ouvertement sur celle de l’Anglais Blome, parue dès 1674. D’ailleurs, en cherchant dans les archives de la National Library of Jamaica (NLJ), nous étions tombés sur une impression française de la carte de Blome, datée de 1674 ! On la trouvait donc en France à cette époque où la Jamaïque intéressait les Français, surtout ceux qui avaient des intérêts à Saint-Domingue (Haïti), voisine et concurrente de la colonie anglaise aux Antilles. Les contours de la carte de de Fer n’ont pas été calqués sur celle de Blome, on perçoit des variations ici et là. Mais la forme générale est reconnaissable au premier coup d’œil. Si notre « géographe du Roy » a bel et bien copié Blome, ce n’est pas très grave puisque ce dernier avait ouvertement copié une autre carte établie en 1671 par son compatriote John Ogilby : Novassima et Accuratissima Jamaicae Descriptio ! Rien de bien étonnant, en fait. Car le travail d’Ogilby est longtemps resté la référence en la matière, devenant « le prototype de la plupart des premières cartes de la Jamaïque » (NLJ). A tel point que l’historien de référence Edward Long en joignit une reproduction à son livre The History of Jamaica en 1774 (voir reproduction dans notre Atlas des premières cartes...)

Cette carte de toute beauté a de nos jours une indéniable fonction décorative, mais elle reste surtout le témoin historique d’une époque où l’on mettait toute la technologie dont on disposait au service de la description du monde qui nous entourait. Et derrière ces traits superbes, ces couleurs chatoyantes, se font sentir les enjeux géopolitiques qui agitaient déjà les Hommes.

Retrouvez de nombreuses cartes anciennes et leur histoire passionnante

dans notre ouvrage Jamaica Insula, Histoire des premières cartes (DREAD Editions).

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