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Le 7 juin... 1692.

Le 7 juin 1692, un terrible tremblement engloutit une partie de Port Royal, entraînant plus de deux mille personnes dans la tombe. La colère de Dieu semble s’être abattue sur cette cité corrompue par l’or et les frasques des boucaniers.

Edition originale française du Charles Leslie (en vente dans notre boutique)

« Tandis que l’île s’adonnait à toutes sortes de débauches, écrit l’historien Charles Leslie dans son Histoire de la Jamaïque (1749), elle éprouva la plus terrible calamité que jamais peuple ait essuyé et que bien des gens regardèrent comme un redoutable châtiment du ciel. » En effet, abreuvée à l’or coupable des boucaniers, croulant sous le nombre de bordels et noyée dans l’alcool frelaté, la somptueuse ville de Port-Royal, « la plus corrompue de toute la Chrétienté », est soudain frappée par un terrifiant tremblement de terre.

Au 18e siècle, le recueil du Voyageur François reproduit le récit d’un témoin :

« Le 7 juin entre 11 heures et midi, nous sentîmes trembler la maison où j’étais alors et nous vîmes le pavé de la chambre qui se soulevait. Au même instant, nous entendîmes pousser des cris lamentables et nous hâtant de sortir, nous eûmes le touchant spectacle d’une foule de peuple qui levait les mains en implorant le secours du ciel. Nous continuâmes de marcher dans la rue où, des deux côtés, nous vîmes tomber des maisons et d’autres s’enfoncer sous la terre. Le sable s’enflait sous nos pieds comme les vagues de la mer jusqu’à soulever ceux qui étaient dessus ; ensuite, il s’ouvrit de profonds abîmes... »

Mais le témoignage le plus connu reste celui du Dr Heath, alors recteur de Port Royal, publié à Londres dans la revue Gentleman’s Magazine en 1750 sous le titre de A Full Account of the Late Dreadful Earthquake at Port Royal :

Ci-dessus, Port Royal avant le tremblement de terre et après (la partie "hachée").

« Le mercredi 7 juin 1692, je m’étais rendu à l’église pour faire quelques prières comme je le fais tous les jours depuis que je suis devenu recteur de Port Royal afin de maintenir une présence religieuse au sein de notre population païenne et débauchée, et je fus ensuite à un lieu de rendez-vous des marchands où le Président du Conseil (...) m’engagea à boire un verre de vin d’armoise avant le dîner. Etant donné qu’il est mon grand ami, je décidai de rester en sa compagnie. Il alluma alors une pipe de tabac qui se consuma fort lentement. Ne voulant le quitter avant qu’il ne l’eût finie, je décidai de ne pas me rendre chez le Capitaine Ruden où j’étais attendu pour le dîner et dont la maison, dès la première secousse, s’abîma d’abord en terre puis en mer, emportant sa femme, sa famille et ceux venus dîner chez lui. Si je me fusse trouvé sur place, je n’aurais pas survécu. Mais revenons au Président et à sa pipe ; avant qu’elle ne fût terminée, je sentis soudain le sol rouler et bouger sous mes pieds et je lui dis : Seigneur, Sir, qu’est-ce que ceci ? Il me répondit, en homme grave qu’il était : C’est un tremblement de terre. Ne craignez rien, cela sera bientôt fini. Mais la secousse amplifia, nous entendîmes l’église et la tour s’effondrer, sur quoi nous nous mîmes à courir pour sauver notre vie. Je perdis rapidement le Président de vue tandis que je me dirigeai vers le Fort Morgan, pensant qu’un espace vide serait bien plus sûr que ces rues où s’effondraient les maisons. Mais tandis que je me rapprochai, je vis la terre s’y ouvrir pour avaler une multitude de gens et la mer monter vers nous par-dessus les fortifications (...). Je montai à bord d’un bateau appelé le Siam-Merchant, où je trouvai le Président sain et sauf qui fut empli de joie à ma vue. Je restai à bord pour la nuit, incapable de fermer l’œil car le tremblement de terre reprenait toutes les heures, faisant rouler et trembler tous les canons du bateau. »

Projetés dans la baie, malmenés pendant des jours par les nombreuses répliques, les survivants traversent des moments difficiles, se réfugiant sur la rive opposée, alors occupée par quelques demeures et des cases d’esclaves. C’est là, dans l’urgence et l’angoisse, que naît la ville de Kingston, sur les ruines de Port Royal.

Cet événement marque profondément l’île et le 7 juin est déclaré jour de jeûne général pendant plusieurs années. Le destin de Port Royal ne sera, à partir de là, qu’une sorte de lente déliquescence, faisant de ce port, passé du faste coupable au détriment le plus poignant, un symbole unique du Nouveau Monde.

Plus de détails dans L'Histoire de la Jamaïque de 1494 à 1838, par T. Ehrengardt (DREAD Editions).

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