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La "rod" de Manley est à Paris !

Elle est là, posée sur une plaque de contre-plaquée, sagement assoupie sous sa vitrine au milieu du tourbillon de l’exposition Jamaica Jamaica ! (Philharmonie de Paris). Corps d'ébène, pommeau et pointe d’ivoire, manche cerclé de fer... Comme décrite à l’époque. On ne croirait pas, à la voir ainsi ; mais cette cane fut le symbole politique le plus puissant de son temps. Mesdames et messieurs, la voici en bois et en ivoire : la fameuse « rod of correction » sur laquelle Michael « Joshua » Manley s’appuya dans sa marche au pouvoir en 1971.

La "rod" dort sagement, gonlée d'histoire... (Philharmonie de Paris). Elle est exposée tout l'été à l'exposition Jamaica Jamaica! organisée par Seb Carayol.

Le pouvoir de la « rod » plonge ses racines dans l’obeah, (vaudou) qui confère aux objets des qualités surnaturels, ainsi que dans la foi rasta ; en effet, Manley prétendit la tenir d’Hailé Sélassié en personne (qu’il avait rencontré, lors d’une visite officielle en Afrique au début des années 70). Bien sûr, il s’agit d’un mythe monté de toutes pièces. Le « Rasta » Henry (condamné dix ans plus tôt pour haute trahison) aurait été très influent dans sa création, tout comme Perry Henzell, réalisateur de The Harder They Come.

Manley la brandissait en silence lors de ses meetings ou sur la tournée musicale du Bandwagon, à laquelle participèrent toutes les stars de l’île, dont Bob Marley & The Wailers. « Les gens ont adoré l’idée », confirme Max Romeo. « Mais pour moi, je voyais plus ça comme un délire... » Mais dans les campagnes, ont prête à la « rod » des pouvoirs magiques, on veut la toucher pour guérir, on la dit descendue du ciel, à l’image du bateau avec lequel Moïse terrorisa la Pharaon d’Egypte ; d’ailleurs, l’adversaire politique de Manley, Hugh Shearer, est aussitôt associé au « Pharaon » sur les premiers « chants de Josué » (chansons à la gloire de Manley). La « rod » a droit à une ode historique aussi, signée Clancy Eccles (le producteur fut très investi dans la campagne de Manley) :

The Rod of Correction, Clancy Eccles (Clandisc, 1971)

Elle est citée dans divers titres aussi, comme Tedious de Junior Murvin, Power Skank de Winston Scotland... Á tel point qu’Edward Seaga, jeune loup du parti opposé à celui de Manley, monte un canular : il apparaît dans le Gleaner en brandissant une « rod » qu’il dit avoir été dérobée à Manley ! Le candidat riposte : « Mensonge ! Il n’existe qu’une « rod » et c’est moi qui l’aie ! » Au centre des débats politiques, la « rod » fait son office et Manley accède au pouvoir en 1972.

Take That Rod... Bill Gentles (Attack, 1973) : l'attaque la plus virulente contre la "rod".

Mais les premières critiques fusent et la « rod » se retourne contre son maître sur des titres comme Take That Rod From Off Our Backs de Bill Gentles ou Power Pressure de Cornell Campbell. De fait, elle n’est guère utilisée durant les élections de 1976 et disparaît lentement du devant de la scène... Un « rod of correction », donc. Mise en sommeil, sous vitrine. Qui hurle en sourdine son pouvoir déchu, la grandeur de son époque. Objets inanimés avez-vous une âme ? Une chose est sûre, ils ont une histoire. Et celle-ci mérite d’être contée.

Retrouvez l’histoire complète de la « rod » dans

Reggae & Politique dans les années 70

(DREAD Editions).

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