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1692 : le Jugement de Port Royal...

Alors que nous mettons en vente un plan exceptionnel de la ville de Port Royal, en Jamaïque, imprimé en 1764, retour sur le terrible tremblement de terre de 1692 qui abîma cet établissement à part, longtemps été le point le plus important de toute l'île de la Jamaïque. Repaire de pirates et de marchands, abri des vices et de la luxure, Port Royal a fini par sombrer dans la baie de Kingston, comme sous l'effet d'un châtiment divin.


En 1692, alors que Port Royal illumine de mille feux les Indes occidentales, étalant un luxe et une luxure coupables, pleine des richesses déversées par les cupides et sanguinaires flibustiers, Dieu semble s'offusquer de ses frasques. Et le malheur frappe l'antre de tous les excès au coeur duquel les loyers sont, dit-on, aussi élevés qu'au coeur de Londres ! Récit de la terreur.

(...) Le témoignage le plus connu du terrible tremblement de terre qui dévaste Port Royal en 1692 reste celui du Dr Heath, alors recteur de Port Royal, publié à Londres dans la revue Gentleman’s Magazine en 1750 sous le titre de A Full Account of the Late Dreadful Earthquake at Port Royal : Le mercredi 7 juin 1692, je m’étais rendu à l’église pour faire quelques prières comme je le fais tous les jours depuis que je suis devenu recteur de Port Royal afin de maintenir une présence religieuse au sein de notre population païenne et débauchée, et je fus ensuite à un lieu de rendez-vous des marchands où le Président du Conseil (...) m’engagea à boire un verre de vin d’armoise avant le dîner. Etant donné qu’il est mon grand ami, je décidai de rester en sa compagnie. Il alluma alors une pipe de tabac qui se consuma fort lentement. Ne voulant le quitter avant qu’il ne l’eût finie, je décidai de ne pas me rendre chez le Capitaine Ruden où j’étais attendu pour le dîner et dont la maison, dès la première secousse, s’abîma d’abord en terre puis en mer, emportant sa femme, sa famille et ceux venus dîner chez lui. Si je me fusse trouvé sur place, je n’aurais pas survécu. Mais revenons au Président et à sa pipe ; avant qu’elle ne fût terminée, je sentis soudain le sol rouler et bouger sous mes pieds et je lui dis : Seigneur, Sir, qu’est-ce que ceci ? Il me répondit, en homme grave qu’il était : C’est un tremblement de terre. Ne craignez rien, cela sera bientôt fini. Mais la secousse amplifia, nous entendîmes l’église et la tour s’effondrer, sur quoi nous nous mîmes à courir pour sauver notre vie. Je perdis rapidement le Président de vue tandis que je me dirigeai vers le Fort Morgan, pensant qu’un espace vide serait bien plus sûr que ces rues où s’effondraient les maisons. Mais tandis que je me rapprochai, je vis la terre s’y ouvrir pour avaler une multitude de gens et la mer monter vers nous par-dessus les fortifications (...). Je montai à bord d’un bateau appelé le Siam-Merchant, où je trouvai le Président sain et sauf qui fut empli de joie à ma vue. Je restai à bord pour la nuit, incapable de fermer l’œil car le tremblement de terre reprenait toutes les heures, faisant rouler et trembler tous les canons du bateau.

Un autre ouvrage publie un témoignage intéressant :

Le 7 juin entre 11 heures et midi, nous sentîmes trembler la maison où j’étais alors et nous vîmes le pavé de la chambre qui se soulevait. Au même instant, nous entendîmes pousser des cris lamentables et nous hâtant de sortir, nous eûmes le touchant spectacle d’une foule de peuple qui levait les mains en implorant le secours du ciel. Nous continuâmes de marcher dans la rue où, des deux côtés, nous vîmes tomber des maisons et d’autres s’enfoncer sous la terre. Le sable s’enflait sous nos pieds comme les vagues de la mer jusqu’à soulever ceux qui étaient dessus ; ensuite, il s’ouvrit de profonds abîmes. Bientôt un déluge d’eau survint et fit rouler de côté et d’autre quantité de malheureux qui saisissaient inutilement les solives des maisons renversées pour se soutenir. D’autres se trouvèrent enterrés dans le sable d’où on ne voyait sortir que leurs bras. Je m’étais heureusement placé avec quinze ou seize personnes sur un terrain qui demeura ferme. Aussitôt que cette violente secousse eut cessé, chacun ne pensa qu’à s’assurer s’il restait quelque chose de sa maison et de sa famille.

Empruntant une barque, notre narrateur ne retrouve sa femme miraculeusement épargnée que plusieurs heures plus tard. Il poursuit : La terre s’ouvrant en plusieurs endroits a dévoré un grand nombre d’habitants qu’elle a vomis dans d’autres lieux. Plus de mille acres de terre furent enfoncés. Il ne reste pas une maison sur pied dans la presqu’île. Les deux grandes montagnes qui étaient à l’entrée sont tombées dans l’espace qui les séparait (...) et ont arrêté le cours de la rivière qui est restée à sec pendant plus d’un jour. (...) Une autre montagne s’est fendue (...) et à détruit un grand nombre de colons. Plusieurs vaisseaux furent mis en pièces et d’autres coulés à fond. Une frégate fut poussée par l’étrange mouvement des eaux (...) sur le sommet de quelques maisons abîmées où, ayant été arrêtée, elle sauva beaucoup de monde. Pendant ce temps-là, le Ministre exhortait le peuple à se mettre en prière et l’on remarqua que plusieurs Juifs, non seulement se mirent à genoux pour suivre l’exemple des chrétiens, mais que dans l’excès de leur consternation, ils invoquèrent hautement le nom de Jésus Christ. (...) D’autres pillaient les maisons qui étaient entières, quoique submergées jusqu’aux balcons. Il est vrai qu’un second tremblement de terre les fit tous périr. Il se fit, en divers endroits, de prodigieuses ouvertures, dont la plupart se refermèrent presque aussitôt. Dans les unes on vit tomber une infinité de personnes qui n’ont plus reparu. Dans d’autres, l’eau sortant à grands flots rendit au jour plusieurs cadavres qui avaient été engloutis. Ici des hommes pris dans les fentes par le milieu du corps étaient serrés mortellement ; là, on leur voyait que la tête. Et pendant que la nature était dans ces affreuses convulsions, les habitants couraient au hasard, pâles et tremblants (...) dans l’idée que la forme générale du monde était menacée de dissolution. (...) On fait monter à plus de six mille le nombre de malheureux qui périrent dans ce désastre. Après la grande secousse, la plupart de ceux qui échappèrent à la ruine de Port Royal prirent le parti de se retirer sur les vaisseaux qui se trouvèrent dans le port et, jusqu’à la fin des tremblements, ils ne quittèrent point cette retraite. (...)

Dans le sillon de ce malheur, Kingston est construite sur la rive opposée de la baie et un jeûne national est décrété, qui se perpétuera de longues décennies. Au 18e siècle, Port Royal devient le quartier général de la marine royale britannique et abrite notamment le célèbre Amiral Nelson. EXTRAIT du livre Histoire de la Jamaïque de 1494 à 1838, par T. Ehrengardt.

"Un livre qui parle à notre imaginaire aussi bien qu'à nos sens." (The Gleaner)

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