... and then yu draw Bad Card !
Dans Bob Marley & Moi, DON TAYLOR revient sur sa douloureuse séparation avec Bob Marley à la suite de laquelle la star aurait écrit le titre Bad Card. Extraits choisis.
DON TAYLOR fut un personnage haut en couleur, sorti des ruelles de downtown Kingston où il survivait quasiment par lui-même depuis son adolescence, il a traîné une réputation sulfureuse derrière lui, comme la plupart des décideurs musicaux à cette échelle. Il se vantait d’avoir « fait de Bob Marley un millionnaire » ; il faut avouer que sans lui, Bob aurait perdu un temps précieux, voire crucial. Mais les deux hommes finissent par se séparer après une altercation restée légendaire. Tandis qu’Allan « Skill » Cole, ami de Bob, tenait Taylor en joue avec une arme à feu, Bob aurait frappé son manager très violemment. Cet épisode marque la rupture presque définitive entre eux (car Taylor s’occupera jusqu’à la fin d’une partie des affaires de Bob). On raconte que la chanson Bad Card fut écrite contre Don Taylor : « tu as joué la mauvaise carte ! », même si certaines paroles comme « tu en as assez de voir ma tête mais tu ne peux rien y faire / tu dis que ma place te revient et tu joues la mauvaise carte ! », ou encore « je veux déranger mes voisins car je me sens si bien, je veux monter le son de ma musique... » ne semblent pas du tout s’appliquer à Don Taylor.
L’histoire de la rupture remonte à la rencontre de Don Taylor avec Pascalene, la fille d’Omar Bongo, alors président du Gabon. Elle organise la venue de Marley en Afrique pour son anniversaire : « Finalement, elle parvint à nous convaincre et nous estimâmes le coût du projet à 500 000 $ car il fallait affréter un charter avec tout le matériel », confie Taylor dans Bob Marley & Moi (DREAD Editions). Pascalene agit par l’intermédiaire de « Bobette » : « Il affirma à Pascalene et son père que pour cette somme, Bob donnerait deux concerts. Ce dont nous n'étions jamais convenus », explique Taylor. Dans le même temps, il signe un autre contrat avec Don Taylor pour le même événement mais, cette fois-ci, pour faire venir Jimmy Cliff, dont Taylor s’occupe aussi. « Bobette, cependant, n’avait pas averti le président Bongo (...), de telle sorte qu’en arrivant au Gabon, Bob découvrit que le président (...) avait un différend financier avec lui. Il nous convoqua pour une explication au cours de laquelle j’exposai la situation. (...) Mais je sentis que Bob n’était pas satisfait. Il avait l’impression que j’avais reversé une partie de l’argent qui lui revenait à Jimmy. »
Finalement, les heures de faire les comptes arrivent, et Bob reprend alors ses habitudes de « rude boy » de Trench Town. La confrontation, relatée par Don Taylor, est ici assez édulcorée par rapport à celles qu’on peut lire ailleurs :
« Les choses en restèrent là jusqu’à ce qu’il monte à Miami pour faire un break au milieu de sa tournée mondiale. Il me demanda de passer chez sa mère, où il logeait avec Allan Cole. Á mon arrivée, il m’entraîna du côté de la piscine où nous eûmes une brève discussion ; il me demanda ensuite de l’accompagner dans sa chambre et de signer un papier comme quoi je renonçai à tout accord oral passé entre nous. Allan (...) nous avait suivis. Je savais ce qui risquait d’arriver mais je refusai de signer quoi que ce soit. Nous en vînmes alors à moitié aux mains. Nous n’échangeâmes pas de coups à proprement parler, mais Bob et Allan sortirent chacun une arme et Allan menaça même de me faire la peau. Je détectai dans le regard de Bob des d’émotions contradictoires et, à un moment, il se tourna vers Allan pour lui dire : « Maintenant qu’on a repris les rênes, je pense que Don Taylor peut revenir bosser pour nous. » Comme si tout cela n’était qu’une petite mise au point à l’issue de laquelle tout allait rentrer dans l’ordre. Je ne pus m’empêcher de penser que l’absence de traitement et l’isolement dans lequel le maintenait son entourage commençait à l’affecter. Nous l'ignorions alors, mais le cancer gagnait du terrain.
Cet épisode avait fini de me convaincre. Tout ce que nous avions vécu jusqu’à maintenant, y compris le traumatisme lié à l’attentat (de 1976, nde), me poussa à lui annoncer que nos chemins se séparaient. J’étais intimement persuadé qu’il était incapable de tuer quelqu’un, et qu’à ce moment précis, il ne faisait que jouer le rôle de Tuff Gong ; peut-être même essayait-il tout bêtement d’impressionner Skill ? Par précaution, néanmoins, je portai plainte auprès des services de police et, conscient des gens qui traînaient autour de lui, je m’achetai un 45. »
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